Publié le 1 février 2020

Services hydrographiques sur le continent africain : compétences et souveraineté nationale

Le continent africain est constitué de 54 pays dont 38 ont un accès à la mer.

Pour ces pays côtiers, maîtriser le savoir-faire hydrographique est un marqueur fort d’indépendance nationale. L’enjeu est à la fois l’autonomie dans la compréhension des limites territoriales maritimes, qui permet de faire valoir ses droits dans la compétition des nations, et économique, dans la gestion des voies navigables et des ports.

Cette ambition demande des moyens conséquents, et par moyens, il faut entendre des budgets et des compétences.

En Afrique, le constat est cruel. Les services hydrographiques nationaux, quand ils existent, ne sont pas toujours en mesure d’assurer en totale indépendance le travail de cartographie ou de mise à jour des données bathymétriques. L’exploitation d’un navire spécialisé, les équipements et les licences coûtent cher. On peut comprendre qu’à l’échelle des budgets nationaux, ces dépenses ne sont pas prioritaires.

Pourtant, tous ces pays ont des obligations internationales en matière de fourniture de services hydrographiques.

Des résolutions de l’ONU évoquent régulièrement l’importance de cette activité pour garantir la sécurité de la navigation partout dans le monde, tandis que l’OMI nous rappelle à nos devoirs :

(SOLAS – Chapitre V, règle 9) :

Art.1   Les Gouvernements contractants s’engagent à prendre des dispositions en vue de rassembler et de compiler des données hydrographiques et de publier, diffuser et tenir à jour tous les renseignements nautiques nécessaires à la sécurité de la navigation.

Pour satisfaire à ces obligations et accompagner les états dans l’acquisition de compétences, il faut rappeler le travail admirable de l’Organisation Hydrographique Internationale qui a mis en place une véritable stratégie en matière de renforcement des capacités.

En complément et pour répondre aux besoins ponctuels en mesures, cette tâche est souvent déléguée, avec plus ou moins de bonheur, à des sociétés privées.

Alors, observe-t-on aujourd’hui une phase de transition, et peut-on espérer que demain, les services hydrographiques nationaux en Afrique auront construit leur pleine autonomie ?

Malgré les encouragements des institutions internationales, je suis modérément optimiste. D’une perspective locale, les initiatives connaîtront sans doute des fortunes variées en fonction des pays et selon leur empressement à répondre, ou non, à l’assistance qui leur est offerte.

Si pour certains pays africains la pleine autonomie est un objectif ambitieux, je suis cependant convaincu que nous pouvons redistribuer le défi à l’échelle régionale. En fédérant leurs ressources, des pays limitrophes pourraient mutuellement en tirer bénéfice, tout en accédant à une forme d’indépendance.

Imaginons une filière de formation animée par les pays membres de l’Association de gestion des ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, et un service hydrographique régional disposant d’un navire et d’équipements, qui toute l’année irait de port en port de Nouadhibou à Cotonou. Ça aurait de l’allure non ?

Ne soyons pas naïfs. Une telle organisation supranationale serait certainement un foyer de tensions et de compromis difficiles. Mais il ne fait pas de doute qu’une autonomie partagée est une ambition préférable à l’abandon de notre souveraineté.

Raphaël PACOT

Pour aller plus loin : IHO

HydroMAOC – Une approche régionale permettant d’améliorer les connaissances hydrographiques en Afrique de l’Ouest et Centrale

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